Le dernier Star Wars, le Réveil de la Force est peut-être un excellent film. Là n’est pas la question. L’interrogation, la consternation plutôt, est issue du constat suivant : un film qui mobilise les quidams des quatre coins de la planète, qui amène des milliers (millions ?) de gens à faire la queue dès cinq heures du matin, déguisés pour nombre d’entre eux qui plus est, afin de voir le film le jour même de sa sortie, comme si leur vie en dépendait, jusqu’à des élus municipaux qui se croient obligés d’afficher « je suis ton maire » sur leur page Facebook, y voyant là un message particulièrement spirituel…
Ajoutons au tableau tous les parents robotisés qui ont supposé qu’ils n’honoreraient pas dignement Noël 2015 s’ils n’offraient pas quelque jouet estampillé « Star Wars » à leur progéniture. Puissance du marketing américain ? Ou indice d’un abrutissement planétaire généralisé ? Sans doute un peu des deux. Côté marketing, le rouleau compresseur américain Disney a été, certes, des plus efficaces [1]. Mais l’abrutissement de masse n’est pas en reste, loin s’en faut. Un tour sur les réseaux sociaux est, à cet égard, suffisamment édifiant.
On ne se permettra pas de critiquer les amateurs de longue date impatients de découvrir ce dernier volet du film. Mais même ceux-là, peut-on supposer, étaient en mesure de souffrir, sans dommage majeur pour leur psychisme, d’attendre quelques jours après la sortie du film pour aller le voir. On ne blâmera pas non plus, bien sûr, les parents de céder aux demandes de leurs chères têtes blondes, premières victimes du matraquage publicitaire. Il aurait été plaisant, toutefois, de voir par exemple un grand-père se raviser et remettre en place la boîte de figurines. Pour décider d’offrir tout autre chose (cet autre chose qui ne figure pas sur la liste qu’on lui a transmise avant qu’il ne parte faire ses emplettes de Noël pour BIEN qu’il y pense) : un jouet non prescrit par la vox populi ou un beau livre, par exemple, que son petit-fils ou sa petite-fille feuillettera sans doute encore des années plus tard avec intérêt et nostalgie, tandis que la fameuse figurine sera détruite depuis belle lurette. L’un n’empêche pas l’autre, c’est entendu. Encore faut-il que l’un ne soit pas complètement occulté par l’écran de fumée de l’autre.
On aimerait voir davantage de gens qui font leurs propres choix loin des injonctions publicitaires et des prescriptions de tous ordres. On aimerait le retour de l’esprit contre celui de la force. Mais on a sans doute un peu trop la tête dans les étoiles…
[1] On peut lire notamment (source Wikipédia) que, en exploitation mondiale (Chine mise à part où le film est sorti en janvier 2016), le film a dépassé le milliard de dollars de recettes en douze jours. Ce qui représente un record historique de rapidité. En Amérique du Nord, qui plus est, le film est devenu le plus rentable de tous les temps, dépassant Avatar en vingt jours, avec 764,4 millions de dollars de revenus.