Une masse. Une masse grandissante.
Toujours plus grande. Toujours plus grosse.
Jusqu’à donner la nausée, le tournis, l’écœurement.
Cette masse c’était son ventre. C’était devenu son ventre, tout doucement, fil à fil.
Noire araignée concentrée sur sa toile.
Tout était tissé à présent. Septembre. Chambre 230. Je regardais ma grand-mère.
Enceinte de la mort. Sur son lit en forme de civière.
Et j’avais envie de vomir, là, sur le parquet. Tout mon repas, toute ma bile, tous mes viscères.
Ça a duré ainsi deux mois. Deux mois à fixer cette masse, ce merdier de cellules grouillantes.
Sa tête rapetissait, s’effaçait derrière la masse. Ses bras se desséchaient. Pauvres guimauves.
Un tas d’ordures. Une poubelle gluante. Toute la misère du monde concentrée dans un ventre.
Cancer.
Enfin elle est morte, ma grand-mère.
Bouffée par la masse. Réduite à rien, à des glandes pourrissantes.
Mais la masse, elle, est bien vivante.
Je la vois encore. Toujours présente.
Devant mes yeux. Devant tous les ventres…
[12/1993]