Le navire a accosté. Les quartiers-maîtres de seconde classe Homer et Olmann font escale. Mingarelli a lui-même connu la vie de marin. Une expérience douloureuse qui lui permet de se tenir au plus près de la violence des flots et du désir de s’éloigner des vapeurs salées. Aussi les deux comparses désertent-ils le chemin du bordel officiel pour rejoindre une maison « juste pour eux », susceptible d’expulser la douleur des quarts de nuits confinés dans un étroit local. Tandis qu’Olmann, entre prostituées et jeux de cartes, cède rapidement aux tentations du lieu, pour Homer commence un temps plus souple. Rapports attentifs noués avec Pedrico le gardien et Maria la prostituée. Les personnages restent empêtrés dans leur solitude : Maria par son sein mutilé, Pedrico par son incapacité à parler, Homer par le goût du sel et, au fond, la douleur d’être né qui le ressaisit violemment.
Fidèle à son souci de simplicité, l’auteur s’attarde (trop ?) sur la description des gestes, les modulations des dialogues et des silences. Que s’est-il passé au juste ? Pas grand-chose. Et pourtant subsistent la bienveillance d’Homer envers Pedrico, les moments de seule tendresse passés avec Maria, l’attention aux promesses et à ce qui restera en mémoire. Même si l’emporte malgré tout le goût amer : rêves morts-nés de Pedrico, vie au rabais de Maria, regret d’Homer de n’avoir pu dire comme promis un dernier au revoir à Maria. Sans doute l’écho de la tentative fragile de s’arrimer à quelque promesse…
Hommes sans mère
Hubert MINGARELLI
Éditions du Seuil
2004
165 pages
Parutions
- Livre et Lire, mensuel du livre en Rhône-Alpes, n°195, juin 2004.