« Soyons subversifs. Révoltons-nous contre l’ignorance, l’indifférence, la cruauté, qui d’ailleurs ne s’exercent si souvent contre l’homme que parce qu’elles se sont fait la main sur les bêtes. Rappelons-nous, puisqu’il faut toujours tout ramener à nous-mêmes, qu’il y aurait moins d’enfants martyrs s’il y avait moins d’animaux torturés, moins de wagons plombés amenant à la mort les victimes de quelconques dictatures, si nous n’avions pas pris l’habitude de fourgons où des bêtes agonisent sans nourriture et sans eau en route vers l’abattoir […]. Et dans l’humble mesure du possible, changeons (c’est à dire améliorons s’il se peut) la vie. »
Marguerite Yourcenar, Le Temps, ce grand sculpteur.
Voltaire n’est pas l’auteur d’un ouvrage spécifiquement dédié à la question du végétarisme. En revanche, à partir de 1761, il a rédigé de nombreuses pages exprimant son approbation de « cette formidable loi par laquelle il est défendu de manger les animaux nos semblables ».
Au fil de ses textes, il s’intéresse en particulier à la pensée de Pythagore, de Porphyre [1], à l’hindouisme, retrouvant là des apologies importantes du végétarisme.
S’articulant avec ces réflexions philosophiques anciennes et profondes, la pensée de Voltaire insiste sur la sensibilité animale, critiquant au passage la théorie de l’animal-machine de Descartes, et de ce fait sur la responsabilité des hommes dans la souffrance qu’ils infligent aux bêtes. Ainsi écrit-il dans son Traité sur la tolérance : « il faut n’avoir jamais observé les animaux pour ne pas distinguer chez eux les différentes voix du besoin, de la souffrance, de la joie, de la crainte, de l’amour, de la colère, et de toutes leurs affections ; il serait bien étrange qu’ils exprimassent si bien ce qu’ils ne sentiraient pas. »
Plus largement, à travers notamment les images de boucheries, l’interrogation porte sur l’accoutumance des hommes à la barbarie, au carnage et, au fond, sur leur disposition au mal.
[1] L’ouvrage Traité de Porphyre, touchant l’abstinence de la chair des animaux a été traduit du grec en français en 1747, par Jean Levesque de Burigny.
Pensées végétariennes
VOLTAIRE
Recueil établi par Renan Larue
Mille et une nuits, 2014
96 pages